Hommage à Bernard Amossé

Bernard Amossé nous a quittés voici quelques semaines, à l’âge de 76 ans, dans le silence et la discrétion, après de longues années de combat contre la maladie. Il faisait partie de ces personnages qui ont tant donné à la profession, du temps bien sûr, mais aussi de l’attention et du soutien.

Après avoir fait ses premières armes à la Fiduciaire de France, il crée en 1974, avec deux amis rencontrés sur les bancs de l’Ecole Supérieure de Commerce de Nantes, le cabinet Fiduciaire Pays de Loire, en optant dès le départ pour deux implantations, l’une en Loire-Atlantique, l’autre en Vendée. En un peu plus de 25 ans, au crépuscule du précédent millénaire, il l’aura hissé dans les 50 premiers cabinets français. La recette était simple : le travail comme outil d’acquisition et de consolidation de la connaissance, la rigueur comme instrument d’objectivité et d’intégrité, la qualité comme une évidence et la satisfaction client comme vecteur de croissance.

C’est au début des années 80 qu’il s’engage dans le syndicalisme professionnel. Il accède rapidement à la présidence de la section IFEC de Nantes Saint-Nazaire. En 1988, son syndicat le nomme alors rapporteur de son congrès de Reims, sur un thème toujours d’actualité : « communiquer ». Suivront ensuite quatorze années au sein des instances ordinales, principalement consacrées à des tâches régaliennes.

Fin 1990, il est élu membre du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables des Pays de Loire, s’investissant dans le déploiement des normes naissantes et celui de l’examen de l’activité professionnelle, qui deviendra un peu plu tard le contrôle de qualité. En 1993, il assume les fonctions de commissaire général du congrès de l’Ordre de Nantes. Cette même fin d’année, il devient président de son Conseil régional, l’une des fonctions les plus sensibles et délicates que l’on puisse exercer au sein des instances ordinales. Les honneurs sont une bien maigre récompense au regard des missions souvent ingrates et chronophages que les présidents régionaux doivent conduire pour préserver un équilibre harmonieux et confraternel au sein du corps professionnel. Il cherchait à être juste dans ces actions et décisions, non pour faire plaisir ou s’attirer les bonnes grâces, mais par intégrité morale et ainsi conforter le respect inaltérable dû à la fonction.

Bernard Amossé est ensuite élu en 1997 membre du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. Ses pairs le désignent vice-président en charge du secteur « exercice professionnel et formation professionnelle ». Il préside en même temps la commission du tableau et de la discipline, une commission qu’il ne quittera plus jusqu’au terme de ses mandats au début de l’année 2005. En 1999, c’est comme rapporteur qu’il pilote le congrès de l’Ordre de Strasbourg sur un thème qui lui tenait à cœur, « la qualité orientée client ». Il était viscéralement attaché aux problématiques régaliennes qui, bien que passionnant peu de monde, sont pourtant le ciment d’une profession libérale, de celles qui forgent une identité.

Malheureusement, c’est en voulant quitter l’ombre pour la lumière qu’il connaîtra sa plus grande désillusion professionnelle. En 2000, il se porte candidat à la présidence du Conseil supérieur, mais il n’en maîtrisait pas les codes politiques. Il connaîtra l’échec, qu’il vivra comme une humiliation. Nombreux sont alors ses compagnons de route à ne pas avoir compris son revirement. Il s’agissait seulement de la fuite maladroite d’un homme profondément blessé, une fuite ironiquement orchestrée par certains esprits manipulateurs. En quittant une rive il a perdu des amis, sans sur l’autre en trouver beaucoup de nouveaux.

Si cette situation agita le microcosme politique, elle fut douloureuse surtout pour lui et un peu pour son entourage. Préférant ne pas me fâcher avec celui qui fut mon maître (ce terme devant être compris dans son acception artisanale la plus noble), j’ai alors donné une autre orientation à mon activité professionnelle. Je laissais l’homme qui m’avait tout appris, qui m’avait fait grandir et qui a fait ce que je suis devenu. Il en fut déçu, mais son amertume s’estompa rapidement si j’en crois, à moins que ce ne soit pour me rassurer, nos échanges réguliers jusqu’à notre dernier dîner en cette fin d’été 2019. Je regrette aujourd’hui que ces moments privilégiés n’aient pas été plus fréquents.

Bernard Amossé a marqué ma vie, comme celle d’autres personnes, experts-comptables ou non, clients ou amis. Il était un passeur, attentif et passionné, soucieux de la progression de l’autre. Rendre service était pour lui naturel. Bernard Amossé était un homme bien, que notre profession peut s’enorgueillir d’avoir compté parmi les siens.

Avec mon respect éternel.

Jean-Marc Jaumouillé