L’Ecole Centrale de Lyon et le Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-comptables se sont associés pour travailler ensemble sur la thématique des datas. L’objectif était de recueillir les expériences et besoins des experts-comptables dans ce domaine pour définir les caractéristiques idéales d’un outil de gestion de données et les recommandations associées. Pour cela, une enquête qualitative de 56 entretiens a été menée lors du 74ème Congrès de l’Ordre qui s’est tenu du 25 au 27 Septembre 2019 à Paris.
1. Les grandes tendances
« Dès qu’on entre en période hors normes, comme une période de rachat avec intégration de nouveaux dossiers ou de changement structurel, je ne peux plus gérer le développement numérique et l’accompagnement de mes collaborateurs sur cette question. C’est soit l’un, soit l’autre. »
Les experts-comptables qui ont participé à cette enquête lors du Congrès intitulé « l’expert-comptable au cœur des flux » sont, en grande majorité, en charge de cette thématique au sein de leur cabinet. En recherche constante d’innovation, ils sont curieux des propositions des éditeurs et des professionnels présents au Congrès quel que soit le niveau d’intégration du numérique au sein de leur cabinet. Ils gèrent souvent seuls, ou avec un petit nombre de collaborateurs et/ou de clients volontaires, la mise en place d’outils ou de process nouveaux. La plus grande difficulté à laquelle ils font face est un paradoxe constant : le travail des collaborateurs est largement ralenti par une masse considérable de saisie et, pourtant, les outils qui pourraient les soulager sont accueillis de manière mitigée. Cette difficulté est accentuée par l’absence d’une politique générale pro-active en matière d’innovation numérique et par la multiplication des offres sans accompagnement efficace.
2. Les six caractéristiques de l’outil de gestion de données souhaité
1. L’immédiateté : un outil qui récupère automatiquement et en temps réel toutes les données clients
Les experts-comptables interrogés soulignent la diversité des normes des documents traités, notamment des factures, qui rend leur quotidien difficile. Une standardisation serait, pour eux, un premier gain de temps. Une des solutions également souvent citée est la récupération automatique et immédiate des données clients. Ce fonctionnement évite la chasse aux pièces manquantes, les retards, les longues recherches dans les différents dossiers internes ... Cela permettrait également de voir immédiatement et en temps réel, les bilans.
2. L’interopérabilité : un outil qui unifie toutes les fonctionnalités
Les cabinets font souvent l’acquisition d’un outil pour une fonctionnalité précise, sans forcément connaitre les autres. De plus, certaines solutions se restreignent à une seule fonctionnalité. Cela entraine une multiplication des outils (et donc des coûts) au sein du cabinet, ce qui créé une situation problématique : des imports-exports incessants entre les différentes bases de données, une multiplication des saisies d’infomations….
3. Les fonctions comparatives et collaboratives : un outil qui fait des comparaisons de données entre les clients du cabinet
Si l’échange d’informations entre les membres du cabinet est facilement mis en place, l’échange d’informations entre dossiers clients est quant à lui plus difficilement géré. Les répondants de l’enquête insistent sur la nécessité d’un outil collaboratif. Au-delà de la question pratique, l’objectif innovant est de produire des comparaisons solides entre les clients partageant une caractéristique commune (taille, domaine d’activité ...) et de renforcer et de diversifier l’activité de conseil. L’expert-comptable doit pouvoir proposer à son client d’autres éléments pour l’aider à piloter son entreprise que les comparaisons entre ces différents mois d’activité.
4. L’analyse sectorielle : un outil qui accumule des données par secteur d’activité
Selon les interrogés, il est possible d’aller plus loin que ce simple comparatif :
- en proposant au client des comparaisons avec des entreprises du même secteur ou domaine d’activité, comme le fait déjà le baromètre Image PME, même si celles-ci ne sont pas gérées par le cabinet.
- en intégrant des données contextuelles telles que les données météorologiques, le climat et les mouvements sociaux, les changements de régulation, la production d’une matière première...
5. Le prédictif : un outil qui étendrait l’offre de service
Les interrogés ont été nombreux à indiquer que la diversification de leur offre de services repose sur la capacité à exploiter les données et à proposer du prédictif (basé sur le passé du client lui-même, sur ses propres données, sur l’analyse de changements ou évènements prévisibles chez lui et sur son domaine d’activité). Cela leur permettrait d’accompagner quotidiennement leurs clients grâce à un outil de simulation de prise de décision, proposant différents scénarii. En lien direct avec les caractéristiques précédentes, ce service, quel que soit sa forme, demande une plus grande porosité des outils entre eux, une intégration de données sectorielles externes au cabinet, un accès immédiat aux informations...
6. L’ergonomie : un outil simple, adapté et attractif
Certains outils bénéficient déjà d’une ergonomie satisfaisante mais ils sont trop peu nombreux et sous-utilisés. Une meilleure prise en compte de l’ergonomie sur un outil exploité quotidiennement permettrait :
- de concurrencer les comptables en ligne et/ou applications comptables qui n’ont pas du tout la même offre de services mais qui sont plus avenants ;
- de convaincre plus facilement, en interne, les collaborateurs réticents aux transformations du métier ;
- d’embarquer plus de clients vers une digitalisation complète et une ouverture de l’offre de services proposée par les experts-comptables, encore trop méconnue.
3. Les recommandations
La première recommandation concerne l’organisation du cabinet : le changement et l’innovation sont souvent impulsés par un nombre restreint de collaborateurs. Il est donc important de réfléchir et de mettre en place un accompagnement qui leur permette de remplir cette mission de façon efficace. Comment les aider au mieux dans la veille, le choix des outils, la stratégie d’implantation, les formations, les recrutements, la communication en interne…
La seconde recommandation concerne l’évolution de l’offre de services : les cabinets sont conscients des transformations et des évolutions de leur profession et du risque de perte de compétitivité. Accélérer la diversification de l’offre de services est donc capital. Cette réflexion doit aussi se porter sur la communication » pour repositionner l’image de la profession et convaincre le client de sa valeur ajoutée.
Marianne ALEX
Accompagnatrice Pédagogique
Enseignante (Sciences de l'Information et Communication)
Pôle Stratégie Pédagogique et Learning Lab
École Centrale Lyon